24 février 2024

À 13 ans, je vendais des pianos

En ligne avec Gregory Charles: à 13 ans, je vendais des pianos

Le Journal de Montréal
Rodger Brulotte

Publié le 24 février

Gregory Charles est sans aucun doute un excellent musicien et chanteur. Ses parents sont ses idoles. Il n’a jamais vu un homme aimer son épouse autant que son père. Son père lui a enseigné que le plus important, en amour, c’était d’aimer l’autre personne plus qu’on s’aime. Il faisait tout pour la rendre heureuse surtout au cours de ses 15 dernières années, car elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer.

 

La tendresse et les encouragements de son père lui ont permis de faire carrière. Sa mère était courageuse, exigeante et une source d’inspiration pour lui. Elle était sa meilleure partenaire dans la vie. Elle lui a fait comprendre qu’il n’y avait pas juste de la musique dans la vie. Gregory est devenu un proche aidant pour son père tout comme ce dernier l’était pour son épouse. Son père a été mortellement happé par un véhicule de déneigement alors qu’il sortait de l’église, dans l’ouest de Montréal en février 2018. Il se demande encore aujourd’hui si son père serait toujours vivant s’il ne l’avait pas conduit à l’église ce jour-là comme il le faisait tous les matins.

 

Tu vendais des pianos à l’âge de 13 ans.

 

Je faisais des tournées dans des centres d’achats pour vendre des pianos. Je dois t’avouer que c’était plaisant pour deux raisons. Premièrement, cela me permettait d’améliorer ma technique au piano et deuxièmement je recevais une commission sur chaque piano que je vendais.

 

Tu demeurerais à Saint-Germain-de-Grantham.

 

Jusqu’à mon entrée à l’école primaire, je chantais, j’ai appris à jouer de l’orgue et du piano à cinq ans et de plusieurs autres instruments, dont le violon et la clarinette. Déjà à l’âge de 5 ans, je jouais de l’orgue à l’église. Je suis ensuite allé vivre à Montréal, à Ahuntsic et à Côte-des-Neiges.

 

As-tu été obligé d’ignorer les insultes racistes dans ta jeunesse ?

 

Jamais au Québec, seulement comme adulte aux États-Unis alors qu’ils me refusaient l’accès à l’hôtel jusqu’au moment où ils réalisaient que je faisais partie du groupe d’artistes. À Saint-Germain-de-Grantham, mon sobriquet était « petit noir » comme tous les autres jeunes qui avaient les cheveux noirs.

 

Tes parents se sont rencontrés au Copacabana à Montréal.

 

Mon père, Lennox Christopher Charles, d’origine trinidadienne, étudiait aux États-Unis, tandis que ma mère, Pierrette, était une Québécoise. Mon père avait décidé de passer une journée à Montréal, cependant après avoir rencontré ma mère, il n’est jamais retourné aux États-Unis.

 

Une différence de taille et d’opinion sur le nombre d’enfants.

 

Mon père mesurait 6’2” et ma mère, 4’11”. Mon père a toujours marché à ses côtés, au rythme de ma mère. La discussion autour du nombre d’enfants, c’était un peu différent. C’est-à-dire que venant d’une famille de 17 enfants, dont les parents étaient esclaves, mon père en voulait 12, mais ma mère lui a dit qu’un enfant, c’était suffisant.

 

Ton père a milité pour les droits civils avec le pasteur Martin Luther King.

 

Il y a 60 ans lors du discours de Martin Luther King « I have a dream » devant plus de 250 000 manifestants à Washington, mon père a été invité à s’asseoir dans l’estrade d’honneur, tout près du pasteur King.

 

Tu as commencé à jouer du piano à cinq ans.

 

À l’âge de sept, j’ai remporté la compétition canadienne et, à neuf ans, j’ai représenté le Canada en tournée dans plusieurs pays. Je jouais au baseball, au soccer et surtout au tennis, sans oublier que je faisais du ballet.

 

Ta mère voulait améliorer ta culture.

 

Ma mère a tout simplement décidé de me donner des cours de culture à la maison pendant un an. Par la suite, nous sommes partis pour deux mois en Europe à la découverte des musées.

 

Tu as été un chasseur de balles au Tournoi Player’s à Montréal.

 

Une expérience formidable qui m’a permis de jouer avec Jimmy Connors lors de ses entraînements. Dans le palmarès des moins de 16 ans, j’étais classé parmi les meilleurs au Québec.

 

Les Petits Chanteurs du Mont-Royal.

 

J’ai été recruté par la chorale des Petits Chanteurs du Mont-Royal. Un des directeurs de la chorale était Roger D. Landry, v.-p. marketing des Expos. Il nous avait invités à interpréter l’hymne national lors d’un match des Expos. Quelle expérience fantastique de vie scolaire : une demi-journée de cours et l’autre de musique.

 

Les vacances familiales.

 

Mes parents ne baignaient pas dans l’argent. Un été, mon père a décidé de mettre de côté mes camps de musique et mes activités sportives.

 

Pourquoi ?

 

Papa voulait que je découvre les États-Unis et surtout le sud du pays où il avait milité pour les droits civils des Afro-Américains. Ce fut un choc, car je n’avais jamais osé penser que des gens devaient vivre dans de telles conditions.

 

Tu maîtrises le français, l’anglais, l’espagnol et l’allemand.

 

La maîtrise de ces langues m’a permis d’être un guide touristique pendant de nombreuses années à Montréal. J’ai aussi travaillé à l’Hôpital juif, à l’inscription des dossiers des nouveaux patients, à l’urgence ainsi qu’à l’inscription du nom des nouveau-nés dans les formulaires de l’hôpital.

 

Ta jeune fille est curieuse.

 

Julia est curieuse et toujours à la recherche de nouvelles connaissances. Mon épouse voyage beaucoup à cause de son travail, alors, j’ai la chance de l’amener à l’école et de l’aider dans ses travaux d’école. D’ailleurs, je souhaite à tous les hommes d’avoir une fille, car elles sont tellement enrichissantes dans nos vies.

 

« Mon fils, je te présente ta future épouse ».

 

C’était le premier soir de ma tournée de plusieurs mois à Paris. Cette merveilleuse Franco-manitobaine est assise à côté de ma mère et de mon père. Après le spectacle, ma mère s’est dirigée avec elle vers moi et elle m’a dit : « mon fils, je te présente Nicole, ta future épouse ». Mon épouse, Nicole, est une femme déterminée et d’exception qui ne lâche jamais. Je me considère comme choyé de pouvoir partager ma vie avec mon épouse, Nicole, et ma fille, Julia.


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